Neymar ou le réveil de l'indignation envers l'économie du sport

Cette semaine 31 de l'année 2017 aura été marquée par ce que certains médias qualifient de "transfert du siècle"; l'arrivée de Neymar au Paris-Saint-Germain pour l'astronomique montant de transfert de 222M€ (montant de la clause libératoire contractuelle hors bonus).

 

Cet événement, s'il en est un, remet sur la table la thématique de l'argent dans le football. La plupart des personnes interrogées est stupéfaite, reste bouche bée, si elle n'est pas déjà écœurée.

 

 

La première erreur est de tomber dans la facilité qui consiste à dire que les footballeurs touchent énormément d'argent pour "taper dans un ballon". Assurément. Sont-ils trop payés? Tout dépend dans quelle dimension nous nous plaçons. "Trop", c'est toujours "par rapport à". 

Au niveau de  la morale, à l'économie générale ou  l'entrepreneuriat?

 

Au niveau de la morale, il va de soi que la cupidité dont font acte certains footballeurs dans leur choix de carrière, comme le montre le récent eldorado de la Chine, peut laisser perplexe et ne grandit pas l'humain pour la valeur qu'il démontre par cet acte. Soit.

 

Nous sommes inévitablement contraint de rapprocher ce sport du modèle de l'économie libérale dans le capitalisme financier. Le monde du football est la démonstration de la théorie de l'offre et de la demande qu'on retrouve chez les économistes libéraux, les fondateurs du XVIIIème siècle et leur école classique. La rareté (donc la performance sportive) se paye. L'image aussi mais elle est toujours liée de près ou de loin à la performance sportive.

 

Si de grosses sommes d'argent sont investies dans le football, ce n'est pas le résultat d'un décret ou d'une règle particulière ou par fantaisie. Si de l'argent est investi massivement dans le football, c'est du fait des parts de marché en jeu et des gains potentiels à réaliser.

 

La "normalité" n'est pas le sujet du débat. Surtout qu'en se plaçant dans la logique économique des acteurs du marché footballistique, tout fonctionne comme prévu. L'anormalité serait de constater que les valeurs monétisées ne correspondent à rien comme dans un modèle spéculatif. Ce n'est, je crois, pas le cas.

 

Si le Paris-Saint-Germain investit 222M€ pour un joueur, c'est parce qu'il y a intérêt. Le libéralisme est la pondération constante de l'intérêt entre le vendeur et l'acheteur. En l'occurrence, dans ce cas précis, le vendeur (Le F.C. Barcelone) n'a pas d'intérêt à vendre. Il est obligé par une clause contractuelle de libération. Il est aisé de comprendre que l'acquéreur tirera un bénéfice réel de son investissement.

 

Le souci moral, s'il y en a un, est la dimension humaine donnée à cet investissement.

 

À l'heure où les problèmes de répartition de la richesse ne sont pas résolus et tendent à s'aggraver, la comparaison avec un humain lambda est évidente pour la majorité des personnes.

 

Par contre, à l'inverse d'un grand patron d'une grande entreprise, le joueur de football n'a pas la main sur l'avenir d'autres personnes, du simple fait qu'il n'est pas dirigeant mais salarié. Un salarié de luxe mais un salarié malgré tout.

 

La position du footballeur qui gagne extrêmement bien sa vie (c'est le cas de l'ensemble des professionnels) n'a, par contre, aucune influence sur le monde extérieur. Le monde du football en général n'a aucune influence sur le monde extérieur. C'est un monde où des produits et des manifestations sont proposées et chacun est libre de s'y soustraire. Le monde du spectacle fonctionne de la même façon (bien entendu, le salariat ordinaire et les contrats précaires existent aussi dans ces branches).

 

La masse monétaire en circulation dans le monde du football est le résultat de l'adhésion absolument colossale à l'offre que propose le monde du football et la diversité du marché. Sans spectateur, pas d'argent. Sans acheteur de produits dérivés, pas d'argent. Sans abonné aux chaînes sportives, pas d'argent. Et ainsi de suite.

 

Si le monde du football doit se réformer, il ne se fera pas de l'intérieur mais bel et bien par l'action collective et massive de ce qui le font vivre. Vous, moi, tout le monde.

 

Les moyens limitatifs mis en réflexion au niveau du football ne peuvent pas être ceux qui pourraient être mis en œuvre au niveau de l'entreprise. Il n'est pas possible, puisqu'il s'agit de performances sportives, d'instaurer sur une zone restreinte un plafond des transferts et des rémunérations. En entreprise, on peut trouver des dirigeants moins chers et tout aussi capables sans entamer les gains de productivité. En sport, il s'agit de rareté observable, nette et bien trop de clubs dans le monde ont de gros moyens capables d'affaiblir drastiquement le niveau dans le pays concerné par la limitation de la prédation exercée sur les meilleurs joueurs.

 

Parce que le football, ce n'est pas que le football. Ce sont des boutiques qui fonctionnent, ce sont des bars qui retransmettent les matchs, ce sont des enceintes sportives immenses. En limitant dans une zone prédéfinie, le football est tué dans la zone dès le lendemain. Et tout ce qui va avec. Le problème de la rémunération dans le sport peut être résolu et devenir un souci dans la sphère économique. Ce qui est bien plus grave.

 

Comment solutionner à un bout sans pénaliser à un autre? Ce n'est pas si simple.

 

En revanche, des exemples peuvent être empruntés à d'autres sports. Il existe en NBA, un salary cap qui fixe un plafond de la masse salariale dans la ligue pour chacune des 30 franchises. Ce système évite la configuration de mastodontes où les meilleurs joueurs sont compilés chez le plus offrant. Bien que ce salary cap soit extrêmement élevé (70M€ de mémoire) et tend à s'alléger notamment par le biais de la luxury tax pour les franchises dépassant le seuil, ce système permet un rééquilibrage total du niveau du championnat. Cette inspiration ne pourrait s'instaurer qu'à échelle européenne (U.E.F.A.) ou mondiale (F.I.F.A.).

 

La perversité du capitalisme libéral doit être combattue d'abord sur les pans de l'économie où elle cause le plus de dégâts. A minima, elle doit être bien cernée. Cette priorité ne doit jamais être perdue de vue. La "vitrine football" est un leurre.

 

Par contre, il faut donc considérer les clubs comme des entreprises, puisqu'ils en sont. Et astreindre les clubs de football comme les entreprises les plus puissantes aux règles de parfaite conformité avec la Loi, pour commencer. Dorénavant, les clubs les plus riches sont côtés en bourse. Les joueurs, ma foi, offrent leurs services. Quoi d'autre?

 

L'harmonisation, dont le manque est la raison majeure de l'échec de l'Union Européenne doit être également au cœur de la réforme du monde du football. Sans harmonisation, ce n'est pas la peine de penser davantage.

 

Il est temps de réfléchir aux meilleurs systèmes de reforme de l'économie du football. Intelligemment. Posément. Sans agiter le drapeau de l'indignation à tous vents sans une once de solution.

 

Parce qu'au final, que pouvons-nous faire en l'état?

 

 

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