Retour sur la crise des subprimes de 2008

La montée au créneau  de nouvelles places fortes (Chine, Inde..) cache d’incroyables chantiers ; le PIB chinois par habitant est vingt fois inférieur au notre. Le rattrapage relatif a lieu pour les pays émergents d’autant plus que le niveau de vie des pays dits « du nord » n’augmente plus. Ce nouveau cadre de mondialisation ne se substitue pas à l’ancien. Il entraîne une vague de défis. On pense notamment au nécessaire retour du politique dans l’économie mondiale puisque laisser aller librement les marchés a produit une crise d’ampleur considérable. Mais ceci suppose un accord collectif, une gouvernance dont l’Europe doit faire partie et en tirer les conséquences.

 

 

Les acteurs sont divers et il convient de se pencher sur la cause des firmes multinationales (FMN) qui détiennent à elles seules deux tiers de l’économie mondiale. Leur stratégie d’implantation leur fait profiter d’avantages concurrentiels des différents pays en jouant sur une donnée avantageuse de la valeur ajoutée comme le salaire, le niveau de qualification ou encore la fiscalité.

 

 

De plus, leur pouvoir est écrasant, à l’heure où le pouvoir est un objectif de plus en plus affirmé, les FMN peuvent influencer des politiques nationales par le biais de l’emploi des meilleurs experts tous domaines confondus. Les FMN sont-elles dénuées de tout caractère national ? La réponse est difficile à donner puisque les alliances entre FMN de différentes nations ont été des fiascos (exemple de Daimler-Chrysler).

 

 

Les Etat restent les premiers acteurs car ce sont eux qui vont organiser les échanges à travers l’OMC. Le « non-cadre » des années 1980 où le GATT a disparu a été une volonté nette des États. Ce grand virage amènera la flexibilité et en conséquence la précarisation de la situation des travailleurs.

 

 

Que ce soit pour la mondialisation ou le développement des marchés financiers, les États-Unis d’Amérique seront à l’origine de ces impulsions. Les résultats sont mitigés et débouchent sur des mini-organisations à l’intérieur du système, avec l’Union Européenne ainsi que l’ALENA, le MERCOSUR, l’ASEAN nettement moins organisés.

 

 

La réponse est donc régionale. Est-ce un contre-mouvement ? Certainement pas. Du protectionnisme ? Ah, dans un premier temps on pouvait répondre avec hésitation avec une croissance des échanges intra-régionaux en même temps que les échanges inter-régionaux. Désormais, nous savons qu’il n’existe pas de protectionnisme. Cette modification du cadre mondial va donc déboucher sur l’inévitable : la crise.

 

 

 

L’impossible s’est produit en 2008. Tout semblait si parfait et corrélé pour les idolâtres du libéralisme moderne. Quand une spéculation est exercée à la marge, celle-ci n’a aucune conséquence. Lorsque que cette pratique est exercée dans un schéma général, la catastrophe se produit.

 

 

L’individualisme de tous les acteurs a débouché sur un très mauvais film. La toute première raison date de 1957 avec la création de l’euro-dollar en Angleterre pour répondre à la suprématie, au leadership des Etats-Unis. Les anglais vont soumettre des prêts en dollars et cette monnaie sera détachée de toute banque centrale, constituant ainsi le premier étage de la fusée de la dérégulation.

 

 

L’origine de la crise est financière comme en 1929. La finance constitue le problème initial de la crise contemporaine. Même si les premières références ne datent pas d’hier (exactement en 3300 avant Jésus Christ en Mésopotamie dans la ville de Sumer), c’est bien la référence à l’or disparue en 1971 qui a fait naître une incertitude dans les transactions, au niveau de la dissolution des parités fixes. En effet, désormais, tout repose sur la confiance.

 

 

La théorie des marchés efficients fait référence à l’efficacité quand la théorie néoclassique clame qu’une prévision est possible. Markovitz, collègue de Milton Friedman s’intéressera aux marchés avec sa « règle d’or » : pour calculer le risque sur un marché financier, il faut observer l’amplitude des fluctuations de son rendement (soit ce qu’il rapporte). Ainsi, il encourage à diversifier les placements. Cependant pour les marchés efficients, plus le risque est élevé et plus le rendement l’est aussi. La réciproque s’applique.

 

 

L’efficience rappelle le standard de la concurrence pure et parfaite des économies nationales (atomicité, homogénéité, fluidité, libre entrée et sortie et… transparence). Et là, ça coince quelque peu.

 

 

Tout va aller vers l’opacité la plus totale. L’acteur dit « rationnel » n’aura pas toutes les bonnes informations pour faire les bons choix et les rendements attendus ne seront pas toujours au rendez-vous.

 

 

Deux prix Nobel de 1998, Merton et Scholes vont développer leur thème sur le marché des options (« warrants » en anglais). Une option est un droit à vendre ou à acheter à un prix fixé à l’avance, à un moment donné. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un pari. Ce droit n’est pas toujours exercé mais la différence est payée entre le résultat observé et le prix « parié ».

 

 

Ils vont dire que les produits dits « dérivés » des options vont assurer des gains tout en limitant drastiquement le risque. Ils seront conseillers du LTCM (Fonds spéculatif qui rachète des entreprises et en prend le contrôle). Ils vont lever 160 milliards de dollars du budget américain sur des obligations russes (les fameux « emprunts russes »). Ces derniers sont sous-évalués grâce à un calcul ahurissant que personne ne comprend.

 

 

Comme les marchés sont efficients de par la présence d’acteurs rationnels, Merton et Scholes pensaient que ces derniers achèteraient en masse ayant connaissance et conscience de la sous-évaluation des emprunts russes et que les cours monteraient mécaniquement. Ce n’est pas ce qui s’est produit.

 

 

La valeur a chuté et c’est la banque fédérale américaine qui a sauvé la mise pour rembourser les « paris manqués » à hauteur de 50 milliards de dollars de perte.

 

 

La crise a donc été repoussée une première fois. « Quand l’enrichissement personnel ne sera plus un but pour l’Homme, alors on pourra envisager cette fraternité qui nous manque tant. ». On pourra aussi surement envisager des lendemains plus gais en se détachant d’un système qui a réveillé en nous, notre plus mauvais profil.

 

 

Un mathématicien français a dénoncé la théorie de l’efficience des marchés en prenant en compte les variations d’indice du DowJones sur une période donnée (1916/2003). Elles se sont avérées supérieures à plus de 4,5 points par jour, 366 fois sur la période. D’après la théorie qui justifie les marchés libres, cela n’aurait dû arriver qu’à six reprises, preuve une fois de plus de l’opacité des calculs (erronés) ayant mené à la conclusion de cette théorie. Il en est de même pour les variations de plus de 7 points observées 48 fois sur la période alors qu’il n’aurait pu y en avoir qu’une tous les 300 000 ans. Suspect n’est-ce pas ?

 

 

Le marché financier jouit-il d’une manipulation voulue des consciences en ce qui concerne son application ?

 

 

Pour Keynes, les comportements grégaires sont les vrais responsables des maux. Les Hommes suivent mais les Hommes peuvent tous se tromper. Leurs prédictions sont auto-réalisatrices.

 

 

La valeur d’un titre sera la résultante du fait que les Hommes ne sont réalités que de simples moutons par leurs conduites mimétiques. L’individualisme, dans ce cas précis, ne s’affirme pas d’une manière évidente mais a besoin du rapport à l’autre afin de rassurer. Ce qui donne raison aux acteurs est de se procurer les actions que les autres vont acheter également. Les bulles financières se forment, éclatent et se répercutent sur l’économie réelle. Ainsi, un discourt aux penchants révolutionnaires est de mise : « Une seule solution : la régulation ! »

 

 

Depuis l’explosion du Système Monétaire International (SMI), la sécurité est invisible. Les États-Unis voient leurs importations augmenter et afin de les limiter, il faut réduire la croissance pour diminuer la propension à acheter. Ce que ne feront pas les américains. Le pays vend à tout-va et les entreprises nationales seront concurrentielles.

 

 

Les déficits publics vont se cumuler sauf pour les quelques pays émettant des titres financiers, « jouant au poker »  sans jamais gagner. Un nouveau droit va apparaître, celui pour les non-résidents d’acheter des bons du Trésor national (pour combler les déficits structurels). Ce qui revient à dire que la dette américaine est actuellement aux mains des chinois et des japonais.

 

 

Par la thèse, encore et toujours, de l’efficience des marchés, les banques vont pouvoir s’implanter dans le monde entier  et financer des déficits publics ainsi que des entreprises. Naissent les fonds de pension et les fonds spéculatifs (et en l’occurrence les Hedge Funds).

 

 

L’innovation majeure et principale, c’est la titrisation. Elle consiste à transformer une créance bancaire en un titre vendu sur le marché financier. Depuis 1980, la quasi-totalité des crédits (prêts hypothécaires, crédits à la consommation) vont être « titrisés » pour financer les fusions et acquisitions par le biais des Levereged Buy Out (LBO). Ainsi, les banques pourront se débarrasser de créances, bien souvent douteuses, en les vendant à d’autres collaborateurs bancaires. Par le passé, les banques devaient détenir un minimum de monnaie « banque centrale » dite « réserve obligatoire ». Avec la titrisation, la somme totale des créances est mesurée par un coefficient jugeant du risque du défaut de paiement.

 

 

Le risque est donc transféré à l’acheteur de la créance (vide en valeur). L’acheteur va demander des rentabilités considérables pour reprendre la créance et va aller sur le marché des options.

 

 

Le LBO rachète une entreprise et la revend en morceaux aux plus offrants. Tout cela repose sur une anticipation de la hausse des cours. À l’inverse des crises antérieures, celle qui nous a touché (et qui pourrait nous frapper de nouveau) se répand à la globalité de l’économie et des secteurs d’activité.

 

 

Le problème des subprimes (prêts hypothécaires évalués sur la valeur du bien pourvu et non sur la capacité de rembourser de l’emprunteur) est connu par les acteurs financiers depuis l’été 2007.

 

 

Leur valeur a augmenté et les banques se sont retrouvées avec des titres « pourris » un peu partout. Les banques ont eu pour but d’échanger des billets contre des titres puisqu’il est essentiel pour les banques de détenir de la monnaie « banque centrale » pour respirer. Le hic est qu’on ne différencie pas à première vue un bon titre d’un titre « pourri », même si certains présages peuvent alerter l’acheteur (s’il s’agit d’un subprime par exemple). Les banques ne se font plus confiance et la Banque Centrale devient la seule issue de secours, au risque de se faire contaminer à son tour.

 

 

Les acteurs peuvent se débarrasser de bons titres mais la multiplication des offreurs va avoir pour conséquence une chute irrémédiable du cours des actions. Nous sommes en présence de professionnels qui défendent leur intérêt personnel et aucun ne veut céder, fort légitimement. La Banque Centrale va donc se gaver pour raviver la confiance, au risque d’être insolvable.

 

 

On détecte plusieurs canaux de transmission à l’économie.

 

 

Le marché immobilier voit une baisse des prix qui renforce la méfiance des banques.

 

 

Le financement des entreprises se complique avec l’émission d’actions qui est en net recul. À titre d’illustration, les pays émergents vont s’orienter vers des obligations d’État, bien plus sures. Les taux d’intérêts dissuasifs vont freiner la capacité d’emprunt des structures. Enfin, on observe une conséquence sur le commerce mondial : au Nord, le ralentissement économique se fait sentir. Les performances exceptionnelles des pays émergents depuis vingt ans pouvaient laisser supposer une certaine autonomie vis-à-vis de leur croissance. Il n’en est rien. 40% du PIB chinois est issu des exportations. Si la demande s’essouffle, les pays producteurs de matières premières peuvent craindre un véritable scénario de cauchemar.

 

 

La défiance se généralise. L’effet domino pointe le bout de son nez ; pour chaque entreprise qu’elles ne financent pas, les banques voient arriver les faillites de celles que la première ne peut plus payer. À chaque refus pour un prêt à un ménage, la banque produit un effet de diminution de la valeur du bien puisque la demande se réduit. Le prix baisse également parce que le vendeur ressent une urgence. Il doit lui-même rembourser son emprunt. On assiste à un effet de pauvreté sans précédent parce que l’homme a voulu sortir son épingle du jeu. Pour quoi faire ? Mettre en avant un égo démesuré tout simplement et faire triompher son individualité.

 

 

Le grand début de la crise est l’abandon du géant de la banque Lehmann Brothers par les américains qui ont voulu donner l’exemple suivant : les responsables doivent payer. Certes, mais la leçon de morale s’est avérée catastrophique au vu des effets.

 

 

Cette crise peut être considérée comme un virus, elle amène également une crise sociale et politique. La « stagflation » des années 1975/1980 avait amené une poussée des syndicats par rapport à la bulle salariale. La nouvelle crise n’a pas les mêmes fondements : les salaires reculaient partout sauf en France où on observait une stagnation.

 

 

Pointées du doigt, les entreprises sont piégées à leur propre initiative. Les capacités d’autofinancement sont négatives, faute de dividendes de plus en plus importants en valeur et en part dans la valeur ajoutée. Pire, la progression de la rémunération des actionnaires (pour les société de capitaux) ou des associés (pour les sociétés de « personnes ») est beaucoup plus rapide que la progression de la valeur ajoutée. Les salariés et les entreprises elles-mêmes sont les grands perdants de cette course au profit. Une bulle actionnariale s’est produite, les entreprises n’ont plus les moyens d’investir, leurs fonds étant pratiquement et uniquement consacrés à la rémunération des apporteurs de capitaux. La seule solution est alors de s’endetter. L’augmentation des dividendes bloque la rémunération du travail et a un impact sur la consommation qui est figée. Je vous laisse imaginer la situation.

 

 

De plus, quelques grandes nations (Allemagne et Japon notamment) ont placé des fonds, des excédents chez le consommateur américain, qui a disparu et qui est le noyau de la crise. Les vendeurs se retrouvent dos au mur.

 

 

Ce qui est gênant est qu’une fois de plus, les plus vulnérables ont payé les frais d’une idéologie visant à alimenter la « pompe à profits ». Les inégalités se creusent encore.

 

 

Les autres dangers sont la déflation qui a pour effet l’alourdissement de la dette, la paralysie de l’investissement des entreprises et pour finir un effondrement de la consommation. L’heure est probablement à la régulation et à un « moralisation » (est-ce possible ?) qui paraît compliquée. L’économie est un miroir des intentions humaines, la sociologie qui étudie les comportements y est étroitement liée, on comprend mieux.

 

 

La crise de 2008 est au final une occasion manquée par nos dirigeants pour revoir leurs postulats face à l’échec cuisant du néo libéralisme économique. Plus encore aujourd’hui, la part de dividendes versés augmente. Le cercle vicieux est reparti de plus belle.

 

Quand interviendra la prochaine grande crise ?

 

 

 

 

 

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