Florent Pagny relance le débat sur l'exil fiscal : entre morale et légalité

Vous n'avez pas pu le manquer; Florent Pagny s'est récemment installé au Portugal, très clairement de l'aveu même du chanteur, pour raisons fiscales. Le Portugal propose une fiscalité très avantageuse pour les nouveaux arrivants avec des exonérations importantes pendant dix années. De même, l'impôt de solidarité sur la fortune n'a pas d'équivalent.

 

En pleine période où la moralisation devient un thème central et se limite trop souvent au champ d'exercice de nos élus, l'exil fiscal est quant à lui très peu évoqué dans les différentes assemblées. Il s'agit pourtant d'une source d'effets néfastes pour nos finances publiques (manque à gagner de 60 à 80 milliards d'euros par an pour la fraude fiscale et de 40 à 60 milliards d'euros pour l'optimisation fiscale).

 

Florent Pagny relance le débat sur l'exil fiscal en se soustrayant manifestement et volontairement à la solidarité nationale.

 

C'est immoral sans doute mais il n'en demeure pas moins qu'aucune atteinte à la légalité n'apparaisse. Toute la vie politique et toute la dignité humaine reposent en effet sur le discernement opéré par chacun entre ce qui est légal et ce qui est légitime. Il devient urgent de rendre impossible l'obtention d'avantages comparatifs fiscaux par la voie d'un départ à l'étranger puisqu'il n'est pas question d'entraver la libre circulation des hommes dans un monde en perpétuel mouvement.

 

Aux objections, parfois entendues, visant à destituer de leur nationalité les fraudeurs ou les exilés fiscaux, il est utile de rappeler que la nationalité ne dépend pas de l'imposition. Cette fausse bonne idée (infaisable d'un point de vue constitutionnel et supposant la création d'apatrides) est le pendant de la déchéance de nationalité pour les individus suspectés d'entreprise terroriste. Cela reviendrait à dire que la nationalité et par extension le vote serait fonction de l'imposition. Ce basculement remettrait automatiquement en cause le principe du suffrage universel et le retour à un suffrage censitaire basé sur l'impôt. 

 

Ça a déjà existé avec sa mise en application suite aux Etats Généraux de 1789 dont le principe a été rédigé par Sieyès. Pour lui, seuls les citoyens riches doivent contribuer aux décisions économiques et qu'il est par conséquent légitime qu'ils influent sur la vie politique par l'obtention du vote. Personne ou presque ne serait favorable à un volte-face historique de ce type.

 

La nationalité ne dépend donc pas de l'imposition et l'imposition ne dépend pas de la nationalité mais du lieu de résidence d'après le Code Général des Impôts, soit plus de six mois par an.

 

Les exilés s'inscrivent dans l'esprit de la théorie du paradoxe de l'action collective d'Olson qui explique les positions d'une majorité silencieuse n'ayant pas intérêt à agir dans le cadre des grèves dans le monde du travail. Dans cette même théorie, ceux qui gardent leurs distances de l'action sont qualifiés de "passagers clandestins" (des free-riders) profitant des avantages obtenus du fait de la négociation et/ou de la lutte. Dans ce cas précis, Monsieur Pagny dispose, de droit, de l'offre de services proposée par la France (le système social et de soins) du fait de sa nationalité et plus encore, d'une zone d'activité professionnelle propice à la maximisation de ses bénéfices extraits des promotions et des ventes de la production musicale.

 

De plus, la masse d'argent en circulation échappant à l'impôt par le biais d'une absence de déclaration à la Direction des Finances Publiques joue un rôle primordial dans la situation actuelle de la nation française. Le "levier dépenses" est presque toujours actionné avec un politique visant à sa réduction drastique quand la question du "levier recettes" est presque toujours évincée.

 

Cette manne permettrait d'obtenir un résultat excédentaire et par conséquent une réduction, à terme, du montant de la dette, culte ultime des partisans de l'austérité.

 

Il est nécessaire de recourir à terme, comme aux Etats-Unis, à la fiscalité différentielle que nous appelons de nos vœux dans le programme "l'Avenir en commun", qui permettrait à la France de demander au contribuable la différence observée avec ce qu'il paye dans le pays de résidence.

 

Avec l'impôt différentiel, on répond à deux enjeux de notre temps: la morale et l'annihilation des déficits publics. Pour enfin respirer.

 

 

Intéressant, non?

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